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la grenouille

Un polar qui traverse le monde de la folie pour se rappeler le temps passé.

Il s’agit de mon deuxième roman qui inaugure une série de polars qui seront bientôt en ligne.

J’ ajoute une dimension historique empruntée à l’histoire de ma belle-mère durant l’exode, je l’en remercie chaleureusement.

Mais le point de départ c’est la banlieue Nord, celle d’où je viens. L’histoire se déroule en Stains et Pierrefitte.

Prologue :

La lumière était encore douce en ce début de matinée.

La clarté délicate déposée par le soleil effaçait déjà la fraîcheur matinale que le vent de la nuit avait déversée sur la vallée. On entendait le chant des bergeronnettes. Du côté du gros caillou, avec un peu de chance, Marco aurait pu même apercevoir un des ces oiseaux s’il n’avait pas été aussi pressé. Ce qui le faisait aimer ce type de piafs, comme il disait, était son chant roulé suivi d’un tii ype tireu yipe. Il était bien le seul à entendre une pareille ritournelle. A quelques mètres de là, une alouette Lulu perchée sur un vieux tronc attendait le passage des mouches. Mais il n’y prêta guère attention. Un peu plus loin, se trouvait une toute petite clairière, si petite qu’il la rata de peu. Trop bas par le devers, il s’était laissé glisser dans la pente au milieu des genêts et des roseaux. Il aurait pu encore se douter. « Merde ! » avait été le seul mot lâché par Marco. Un merde de dépit, une idée générale résumée à sa plus simple expression. Lui qui connaissait si bien l’étang, lui qui avait si souvent mis en garde les gamins de Conte. « N’allez pas traîner au bord de l’eau, les berges sont mauvaises. » Et pour les plus jeunes qui n’avaient que faire des mises en garde, il y avait l’histoire du Gueux. Un récit qui tenait à la fois du conte et du fait divers datant de jadis que les vieux relataient à la veillée. Que lui se fasse avoir comme un débutant justifiait ce « merde » adressé à personne d’autre qu’à lui-même. « Merde » qu’aurait pu entendre Gautier s’il avait été encore de ce monde. Mais qui vient pêcher la carpe dans ce marais que l’eau a commencé de déserter ? « Enlève tes bottes si vous allez barboter ! » Combien de fois avait-il entendu sa mère sur le pas de porte, les mains sur les hanches, crier cet ordre impératif. « Saloperie de bottes », voilà ce qu’il pensait en l’instant présent. La même erreur qui se perpétue depuis l’invention du caoutchouc et sa mise en forme pour la fabrication des chausses. « Quand tu es pris dans les marais, rien ne sert de se débattre, la première chose à faire, ôter tes chausses et ensuite t’allonger au mieux pour offrir la plus grande surface à la vase. Ainsi la gueule du Gueux est bien eue ! » Il entendait encore la voix de l’ancêtre nommé l’Espingoin par les habitants de Conte. Et lui, son premier réflexe, se débattre ! Tout ça pour atteindre un malheureux branchage à portée de bras. A portée de bras, voici une expression trompeuse. Tout est dans la nuance, « à portée de » très proche d’une autre « hors de portée ». Et dans les marais, il faut savoir que tout devient très vite hors de portée ! Au premier mouvement, le corps, sous l’impulsion des muscles qui se contractent, recule imperceptiblement. Au deuxième, s’ajoute l’énervement, au troisième le dépit, et à la fin, la résignation. Le bout de bois, lui n’a pas bougé, il est indifférent, il pourrait prendre un air narquois, non, il sait la tristesse de l’homme. Lorsque Marco réalisa son erreur, il tenta de retirer ses pieds emprisonnés dans les bottes. Trop tard, maintenant la boue faisait ventouse et l’air ne pouvait plus s’introduire entre les parois de caoutchouc, ni la peau faire son bruit de succion et libérer les orteils coincés au fond de la botte.

Le soleil avait passé au-dessus des petites montagnes jurassiennes qui entourent Conte. La chaleur humide provoquait un début de transpiration. Ou bien était-ce la pression exercée sur les jambes qui s’engourdissaient. La douleur naissante devint très vite insupportable. Le sang circulait plus difficilement dans les veines et le cœur s’emballait. Marco connaissait les étapes par lesquelles il allait passer. L’étouffement viendrait plus tard, quand la terre marécageuse enserrerait la cage thoracique.

Les moustiques avaient commencé leurs attaques, les sangsues viendraient bientôt. Un croassement. Il n’y avait pas prêté attention. Maintenant il en était certain. Pourtant, il croyait dur comme fer que les grenouilles avaient déserté l’endroit. A cause de l’appétit des amateurs de cuisses. Il n’y avait plus guère que les anciens pour s’en gaver une fois l’an, malheureusement de celles toutes prêtes qu’on importe d’Indonésie. Le petit croassement se faisait de plus en plus proche. « Où peut bien être cette grenouille ? » était la question qui occupait l’esprit de Marco. Doucement, il avait tourné légèrement la tête sur sa droite. Elle devait être toute proche, dans les roseaux. Sa vision était troublée à cause des piqûres sur les paupières. Le batracien, curieux, s’était approché de l’intrus. Peu habitué à voir deux yeux humains affleurer à la surface de la vase, il était intrigué. L’animal s’était hissé tout d’abord sur son piédestal. Un piédestal taillé dans un bois dur, du cèdre rouge. Marco attendit encore un peu avant d’oser quoi que ce soit, il voulait être certain. Le piédestal devint un mât, le mât aux sculptures rouges, blanches et teintées de vert. Enfin, il donna naissance au totem. Le totem Grenouille. Marco observa un temps de silence en signe de respect. Ils se retrouvaient après plusieurs années. Le totem Grenouille se pencha vers Marco, éructa d’une voix grave. Il était en colère. Marco comprit cette colère. Il ne demanda pas pardon, car ce serait une offense. Le totem s’apaisa, il eut un peu de compassion pour l’homme que le marais dévorait. Il attendait. La patience était sa force, elle avait déjà duré plus de dix ans, elle pouvait durer encore. D’ailleurs le temps a-t-il seulement de l’importance pour les divinités totémiques ? Marco parla, d’une voix émue, empreint d’un profond respect.

– Que veux-tu de moi et comment dois-je te nommer, totem Grenouille ou bien par ton nom indien Gitrhawn ?

– Laisse tomber la parole indienne, tu en fais une bouillie calamiteuse. Il faut, Iyäa’tayeh, m’expliquer comment il se peut que je te retrouve dans cette posture imbécile ?

–  Iyäa’tayeh est-il mon nom indien ?

– Oui et non, il est le nom d’un lieu qui t’a connu. Parle-nous, car la parole est chose importante.

Marco aurait voulu en savoir plus, mais il se contenta de cette réponse. Il sentait que le totem était encore en colère et que les questions sur ce sujet seraient malvenues. Il prit une profonde inspiration avant de pouvoir continuer. Son corps en profita pour se rappeler à lui en lui envoyant la souffrance en guise de souvenir. Le totem parla au corps de Marco un langage des profondeurs, un langage de la terre humide, alors ce dernier se détendit et remit à plus tard la souffrance.

– Je voudrais commencer par ce qui nous relie, le permets-tu ?

– Oui, répondit la grenouille de la partie haute pendant que celle du milieu opinait de la tête. En procédant de cette façon, le totem semblait ridicule car la grenouille du haut balançait d’avant en arrière et semblait fort mécontente. Le corbeau – car le corbeau avait partie liée avec les grenouilles, ou bien était-ce l’inverse – d’un grand coup de bec, fit cesser cette danse iconoclaste.

– Tout d’abord, il y a ma sœur, ma petite sœur. C’est un peu à cause d’elle que nous nous sommes rencontrés, je le sais maintenant.

A nouveau le totem pencha d’avant en arrière, mais cette fois-ci à cause du crapaud Calamita, placé très près de la base. Le corbeau frappa la première grenouille d’un nouveau coup d’aile. Celle-ci, de  la patte, frappa à son tour la deuxième, qui elle-même assena un coup sur la tête du crapaud. Le balancement cessa instantanément.

– Alors, de cette sœur, nous voulons connaître plus, croassa la grenouille sous l’œil mauvais du corbeau qui n’aimait pas beaucoup le discours des batraciens. Mais la grenouille se contenta de cette simple question et enferma au plus profond d’elle-même les paroles qui appellent les paroles.

 

iNFORMATIONS

Nombre de pages : 144

Quelques personnages

Louise

au début du roman, une enfant autiste qui une perception du monde qui échappe à la plupart de ceux qui l’entourent. Elle finira par rencontrer quelqu’un qui la comprend et peut s’intégrer à son monde.

Marko

Grand frère de Louise, il traverse la vie comme il peut. Son projet de production de bois à grande échelle est sa principale activité. Elle le mènera au-delà de ce qu’il avait planifié.

Cristina et Morizo Allocchis

Parents de Louise et Marko, ils font ce qu’ils peuvent pour faire vivre une petite scierie familiale.

Corinne

Elle apprécie la compagnie de Marko, pourtant, ils ne feront que se côtoyer.

Hélène

Elle vient de Toronto et sera la première à regarder Marko avec les yeux d’une femme désirante.

Pour les autres personnages, je vous laisse les découvrir au fur et à mesure de la lecture…

EXEMPLES DE MISE EN Page

Happé.e par le grenouille, enfanté.e par le Iyäa’tayeh, mon seul espoir est de vous retrouver bien portant parmi les senteurs herbeuses et les odeurs sylvestres.

Olivier ISSAURAT

Ni dieu ni maître