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la nuit toutes les ombres ne sont pas grises
Un polar alpeste qui hurle avec loups et parcourt les alpages à la tombée du jour.
Il s’agit d’un roman que je tenais à situer en montagne, j’ai opté pour la Vannoise. Longtemps j’ai hésité entre la mer et la montagne, les deux univers ont fait de moi un homme déchiré. Je tente un tour de passe-passe pour au moins réconcilier l’un des deux…
Potard niveau 1 :
Mouta était assise à son bureau.
Le nez en l’air, elle attendait que le temps passe. Le nouveau commandant avait prévenu, il ne serait pas là avant 10 heures. Quand Lucie pointa le bout du nez pour dire bonjour, Mouta se redressa, salua la secrétaire.
– Toujours pas de nouvelle ?
– Non.
– Veux-tu un expresso, je passe par la machine ?
– Merci, je viens de prendre un chocolat.
– Tu stoppes les excitants ?
– On peut dire ça et puis le café me donne de la tachycardie.
La secrétaire eut un petit sourire, imaginer Mouta énervée et s’agitant dans tous les sens était aussi incongru qu’espérer voir un panda courir après une panthère. La capitaine dut se rendre compte de la réaction de Lucie, mais elle ne fit aucun commentaire. La précipitation était un vice au même titre que les sept péchés capitaux. Elle conduisait immanquablement à l’erreur judiciaire.
– Où en est-on avec la mort de notre collègue Marcel ?
– Toujours au même point, l’impasse.
– On reste sur l’idée d’un accident ?
– L’impasse donc.
Lucie savait que Mouta n’en dirait pas plus, même si la capitaine ne se satisfaisait pas de ces conclusions. Pourtant, elle n’en avait pas d’autres à proposer.
– Où sont les collègues, demanda Lucie.
– Une équipe est partie sur la route du col, deux crétins se sont foutus dans le fossé. Marthe et le petit nouveau sont allés en ville, une bagarre de beuverie.
– A dix heures du matin, ils commencent tôt ! ajouta Lucie avant de rejoindre la salle commune.
Mouta décrocha le combiné et appela ses équipes pour faire le point. Cela ne servait à rien, mais il fallait qu’elle s’occupe.
– Allô Matéo, comment ça se passe là-haut ?
« Deux types qui ont voulu faire les malins avec leur nouveau SUV. Pas de blessés, le véhicule a fini sa course dans la pâture Vesnard. Il faut faire venir la dépanneuse. On redescend les types pour les laisser à leur hôtel, on sera de retour dans une bonne heure. »
– Ne traînez pas, le commandant souhaitera certainement vous rencontrer.
Mouta composa le numéro de Marthe et attendit qu’elle décroche.
– Pas trop de soucis avec les alcolos ?
« Préparez la cellule de dégrisement, ils sont dans un état ! Ils tiennent à peine debout. Le petit nouveau a pris un pain, il est furax. »
– Faites attention qu’ils ne vomissent pas dans le véhicule ! C’est qui les saoulards ?
« Le fils du maire et son copain. »
– Ça promet des ennuis !
« Tu veux qu’on les ramène chez papa et maman ? »
– Non, cellule de dégrisement, comme tout le monde !
C’est à ce moment que le commandant, accompagné de la maire, choisit de faire son entrée.
– Bon, je vous laisse !
Mouta raccrocha sans même prendre le temps d’écouter la réponse de sa collègue. Elle se leva, salua du salut réglementaire, mais resta derrière son bureau.
– Un souci sur le terrain ? demanda le commandant.
– Pas le moins du monde, des jeunes qui ont bu un coup de trop et qui ont provoqué une bagarre.
– Soyez intraitable, je ne saurais tolérer ce genre de comportement, n’est-ce pas madame le Maire ?
– En effet, nos concitoyens attendent une police exemplaire et un maintien de l’ordre non moins exemplaire.
– Autre chose ?
– Un accident sur le sentier de montagne, un SUV dans le fossé, mais aucun blessé, de la casse, uniquement matériel. Peut-être faudrait-il, comme je vous l’avais suggéré, fermer l’accès de ce sentier, ça éviterait de tenter tous les crétins qui se prennent pour des pilotes de rallye.
– Nous étudierons cette éventualité au prochain conseil municipal.
Mouta ne se faisait pas d’illusion, la moitié des électeurs qui soutenait la maire possédaient un Quad et empruntait ce chemin pour une bonne session de sensations fortes. Et le malheur des bêtes sauvages qui n’avaient pas encore intégré l’irruption de ces Fangio dans la nature.
– Avec madame le Maire nous allons définir les priorités du moment, nous serons dans mon bureau. Voulez-vous m’indiquer où il se trouve ?
– Lucie, accompagne le commandant à son bureau. Celui du fond. C’est le plus grand que nous ayons, ajouta Mouta en direction de son commandant.
Ils quittèrent Mouta. A peine la porte refermée, le fils de la maire et son acolyte firent leur entrée, menottés, sous la conduite de Marthe et de son collègue Eric. Il ne fallut pas longtemps pour voir revenir le commandant, contrarié.
– C’est quoi cette plaisanterie, on vient de me dire qu’il s’agissait du fils de madame le Maire, j’ai l’air de quoi maintenant !
– De quelqu’un qui applique le règlement de façon impartiale.
– Je me passerai de vos commentaires à l’avenir. Dans deux heures, je veux voir ces lascars chez eux.
Mouta attendit que le commandant ait quitté les lieux pour afficher un petit sourire en coin, satisfaite de son effet. Elle réalisa qu’elle n’avait pas le nom du nouveau commandant en tête, elle fouilla dans son tiroir pour en extraire l’ordre de mission. Mathurin De Clair. Ce nom lui disait quelque chose, mais elle ne voyait pas quoi. Il lui fallut un peu de temps pour relier cette information à son passé d’étudiante révoltée. L’anarchiste. Une discussion politique houleuse avec son petit ami du moment, sortie théâtrale, « Tu devrais plutôt lire Voltairine, ça t’instruirait, elle défendait les minorités dans ton genre ! » avait-il hurlé en claquant la porte de la salle de réunion. Sa copine avait ajouté « Il a pas tort Romain ! » avec son air tranquille. D’habitude, il fallait que la terre entière se scinde en deux pour qu’elle réagisse, mais là, on lui demandait rien. Plus tard, elle avait compris que sa copine avait des vues sur le fameux Romain. Voilà où en était Mouta dans ses pensées. Elle compléta pour elle-même « Ça m’étonnerait qu’il soit de la même famille ! »
– Qui est de la même famille ?
Mouta leva le nez de sa paperasse pour découvrir Marthe qui revenait de la cellule en compagnie d’Eric.
– Rien, je pensais à haute voix. Vous avez entendu notre cher commandant ?
– Dans deux heures dehors.
– Désolé de t’avoir mis dans l’embarras, ajouta Eric.
– Au contraire, depuis le temps qu’elle se fout de nous, je suis bien content de lui renvoyer l’ascenseur.
– Que fait-on, intervint Marthe.
– Bah on laisse de côté pour le moment, comme on n’a rien de nouveau.
– Je voulais dire pour l’enterrement du Marcel. On fait envoyer des fleurs ?
– Oui, oui, évidemment. Tenez, voilà cinquante euros, vous pensez que ça suffit ?
– Heu…
– Pas de problème coupa Eric pour sortir Marthe de l’embarras.
Il savait qu’avec deux ados à la maison à élever seule, elle avait du mal à joindre les deux bouts.
– Je rajoute cent pour nous deux, Marthe tu me rembourseras plus tard.
Elle tenta de protester, mais ni Eric, ni Mouta ne lui en laissèrent le temps. Mouta rajouta discrètement un billet de vingt assorti d’un clin d’œil à Eric pendant que Marthe quittait la pièce, légèrement mal à l’aise.
– S’il reste des sous, faites un cadeau pour le petit-fils.
iNFORMATIONS
Nombre de pages : 175
Quelques personnages
Mouta Kidjo, capitaine de gendarmerie
Elle fait de la tachycardie quand elle boit trop de café. Elle est nonchalante, mais sait se démener quand il le faut. Elle est née au Bénin. Elle est persuadée qu’elle est passée à côté de quelque chose dans une ancienne enquête. Elle vit seule avec son chat.
Mathurin De Clère
Commandant de brigade nouvellement nommé dans la petite gendarmerie de Champagny-en-Vanoise.
Chiara Scoldi
Elle a 22 ans. Elle se sent inutile sur cette terre. Elle exerce le métier d’architecte et travaille pour la création de la nouvelle piscine de Malaveille à Moutiers. Elle se dit heureuse, elle n’a pas de petit ami. Elle en a eu un : l’apprenti boucher .
Le docteur Saint-Pierre
Il a une femme thérapeute qui a suivi Chiara pendant un temps pour une sorte d’anorexie. En tant que docteur, il lui a proposé de nombreux traitements qui ont tous échoués.
Laetitia Savier
C’est la nouvelle secrétaire du groupe médical de Champagny-en-Vanoise .
Olivier Mayre, écrivain
Il se démène comme il peut avec ses personnages, ces derniers empoisonnent sa vie familiale.
Pour les autres personnages, je vous laisse les découvrir au fur et à mesure de la lecture…