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La rêverie des anges

Sohane regarde la télé devant un repas japonais commandé au traiteur du coin. Quatrième épisode d’un Dhashetra. « Ça vide la tête ! » a-t-elle l’habitude de dire quand elle rencontre son groupe d’amies. Au café Mermoz, à l’angle de la rue des Pyrénées et de l’avenue Gambetta. Mauvaise journée. Encore bloquée dans la fourgonnette à faire les transmissions. Sa place reste toujours la même. Pourtant ce qu’elle voudrait, aller au contact. Harnachée comme une guerrière, réduire ces provocateurs à néant. Elle les considère comme de la racaille de zadistes avec pour unique but, saccager, casser et dégrader. Les antifas se prennent pour des redresseurs de morale, des Robin des Bois à la manque. Elle est tellement en colère qu’elle ne sait plus pour quelle raison Arya a suivi Mira dans les dédales de Bombay. Retour arrière. Etonnée, elle se rend compte qu’elle n’a rien suivi. Elle éteint la télé et va se faire un thé. A la bergamote ? Russe parfumé ? Un thé noir fait l’affaire. Eau bouillante, cinq minutes.

Sonnette bi tons.

Dénomination du beau vendeur chargé de la quincaillerie sur lequel elle avait flashé. Visiblement, ce n’était pas réciproque.

Qui ça peut bien être ? Sohane s’avance vers le judas. Sa sœur. Qu’est-ce qu’elle peut bien vouloir ? Elle ouvre. On se fait la bise. Cette entrée en matière n’augure rien de bon. Derrière elle une boîte en plastique beige. Le chat, elle trimballe sa bestiole. Bon tu me laisses entrer ? Sohane s’écarte, Kalinda tombe dans le canapé puis abandonne sa caisse à ses pieds. J’ai apporté Pinou. Pourquoi pas pine d’huître ! Voilà ce qu’elle pense de ce nom idiot. Minou eut été plus simple, mais non, il fallait se démarquer du lot commun, alors Pinou. Ah tu te fais un thé, je suis pas contre. Un thé noir je parie ? Elle hoche la tête. Comment sa sœur pouvait-elle à chaque fois taper dans le mille. Ton crétin de mec t’as larguée je suppose. Jamais Kalinda ne se retient, tout ce qui lui passe par la tête ressort brut de décoffrage. Oui Cédric l’a larguée, comme un chien parisien dépose sa crotte.

Silence.

Chacune déguste son thé. T’as pas des petits gâteaux ? Elle en a. Des Spritz. Oh non, pas ces cochonneries, en plus je suis certaine qu’ils sont tout mous. Ils sont tout mous parce que Sohane n’aime pas les gâteaux contrairement à sa sœur. Alors ils stagnent dans le placard. J’ai une grande nouvelle à t’annoncer. Sohane attend qu’elle en dise plus. Les aventures rocambolesques de sa sœur, elle en a soupé. Tu n’es pas curieuse de savoir. Non, elle ne l’est pas. La présence du chat l’intrigue, il n’est pas là par hasard. Sa sœur ne fait rien au hasard. Elle en est à son quatrième Spritz tout mou. Dans la tasse surnage des morceaux, Sohane ne supporte pas. Elle ne dit rien. Kalinda s’essuie la bouche avec la petite serviette bleue décorée de motifs géométriques. Sohane regarde tristement le morceau de tissu jeté négligemment sur la table basse.