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SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

Terre de feu : cinquième partie

Episode 62

Le serviteur avait stoppé sa course, l’homme à cheval aussi. Ils avaient agi sans se concerter, d’un même mouvement. L’homme vêtu de noir avait tendu les rênes de sa monture au serviteur qui s’en était saisi. Ils étaient derrière l’entrée d’un ancien fortin sous lequel étaient enterrées les batteries de canons. Les soldats de faction, étaient sur le point d’intervenir, mais ils se figèrent. Il emprunta le chemin de garde pour trouver le meilleur point de vue qui dominait le détroit. Une fois arrivé, il extirpa de son étui une étrange petite fourche très longue, en métal, qu’il ficha dans le sol. Puis il fit glisser son long fusil du même étui. Sans se soucier le moins du monde de la mitraille et des explosions qui résonnaient de toutes parts, il chargea son mousquet de poudre noire, une dose contenue dans un tube en verre. Une poudre qu’il faisait fabriquer pour lui par les meilleurs artificiers du moyen orient. Il la voulait puissante, et n’encrassant pas trop le canon du fusil. Il versa le contenu, en maintenant le fusil incliné afin de ne pas risquer un embrasement malheureux. Dans la poche de l’étui, se trouvait une balle de plomb, il la sortit, ainsi qu’un petit carré de tissu qu’il enfila dans l’arme avant d’y loger la balle. Puis à l’aide d’une baguette, il poussa soigneusement la charge au fond du canon. Le souffle d’un obus de mortier fit vaciller l’homme, mais il se campa sur ses jambes et poursuivit tranquillement son œuvre. Il arma le silex du fusil, versa un peu de poudre contenue dans une poche en peau sur le petit comportement placé le long du canon. Il redressa le chien du fusil, bascula la lame du coussinet. Il plaça son arme en position, vérifia la justesse de la visée. Il était trop tôt, il le savait, mais il tenait à ne laisser aucune place au hasard. L’arme était maintenant à ses pieds, assis en tailleur, il fixait l’horizon.

  Maurepas, tout en conduisant son cheval d’une main, maintenait son frère fermement tout contre lui. Il avait parcouru une bonne partie du champ de bataille avec ses compagnons avant de tomber sur Lucas, inconscient face contre terre. Solange avait douté, mais pas lui, il savait que son frère n’était pas mort. Cela ne pouvait être, un Maurepas ne meurt pas ailleurs que chez lui. Un point c’était tout. Maintenant qu’ils étaient si proches l’un de l’autre, Maurepas sentait la respiration de son frère lorsque ses poumons se gonflaient tout contre son dos.

– Il faut déguerpir, les Ottomans ne vont pas rester sans rien faire très longtemps. L’effet de surprise ne joue déjà plus. Regarde les troupes françaises se font décimer à nouveau.

En effet, les Français qui s’étaient jetés dans les tranchées ennemies après avoir tenu leurs adversaires en respect, perdaient du terrain avec le retour de troupes fraîches. Paille avait grimpé la colline et s’était chargé d’assassiner les mitrailleurs à l’arme blanche. Mais sous le feu croisé des Turcs, il devait rebrousser chemin. Au passage, il sabra quelques soldats planqués dans un trou d’obus. Valentin et Pivoine continuaient à frapper tous ceux qu’ils croisaient, changeant fréquemment de direction empêchant ainsi les Turcs de les ajuster. Thérèse était tombée de son cheval lequel avait été fauché par un tir de mitraille. Elle s’était jetée dans l’un des boyaux que tenaient les Ottomans. Armée d’un des fusils volés aux troupes hongroises, elle élimina ses adversaires un par un. Au troisième chargeur, elle fut touchée au ventre. Elle ne dut son salut qu’au retour de son cheval, ensanglanté. Les Turcs encore vaillants, en découvrant ce fauve ravagé par les balles prirent peur, croyant le diable sorti de terre. Boris, de son côté, bien campé sur sa selle, et malgré le terrain difficilement praticable à cheval, droit comme un « i », le fusil bien en main, abattait un à un les soldats qui avaient la mauvaise idée de pointer leur tête pour tenter de comprendre ce qui se passait. Petit Pierre, resté en retrait, assurait le retour de son maître, pour cela, il faisait le ménage et tranchait tout ce qui était encore vivant pour ne pas prendre le risque d’être pris à revers.

– Nous pouvons décamper, hurla Solange pour se faire entendre de Paille.

Paille fit signe à Valentin et à Pivoine qui s’étaient rapprochés de lui. Boris, un peu plus loin, en voyant les trois hommes se regrouper comprit qu’il était temps de filer. En se jetant sur le côté du cheval, il ramassa une grenade tombée tout près d’un soldat français, la dégoupilla et voulut l’envoyer dans la plus proche tranchée. Il n’en eut pas le temps, fauché par le tir ennemi, il tomba en arrière, roula dans la pente. Le grenade suivit le même chemin puis stoppa sa descente, arrêtée par un rocher. Le rocher fut pulvérisé et la mitraille traversa tout le plateau.

– Boris, hurla Maurepas.

– Laisse, s’il doit s’en tirer, il trouvera un chemin.

– Mais son cheval est déchiqueté !

– Tu as mal vu. Attention, ton frère va basculer !

– Maurepas le rattrapa d’un bras, avant qu’il ne dégringole du cheval.

Tous, excepté Boris, crapahutèrent dans la rocaille pour fuir de champ de bataille où les morts s’entassaient et commençaient de pourrir sous un soleil de plomb. Les tirs baissèrent d’intensité, on aurait presque pu penser que le silence était tombé d’un coup sur les pentes du Sedd el Bahr. Mais il n’en était rien, le bruit s’était simplement atténué. Quelques grenades continuaient à déchiqueter les morts, on tirait au jugé pour s’assurer que les hommes encore en état de combattre n’avaient pas dans l’idée de tenter une sortie. Les Turcs attendaient le ravitaillement tant en munition qu’en nourriture, les soldats français, eux, savaient qu’ils devraient patienter encore longtemps avant d’espérer se sortir d’un tel guêpier.

Personne n’entendit la détonation d’un tir isolé.

Aujourd’hui qui pleut enfin, je voudrais rendre un hommage appuyé au gazon qui fait ce qu’il peut pour perdurer. Ce gazon si précieux pour les Anglais et les joueurs de golf, je ne parle même pas de ceux qui pratiquent les deux domaines à la fois. Bref, mon gazon chéri, je t’aime, tu es ma perle rare et quand je m’étends sur toi, le monde s’entrouvre sur un avenir prometteur. Re-bref, le bisou à tous les brins d’herbe et à mes très chers lecteurs et très chères lectrices, histoire de faire consensuel !

Terre de feu : épisode 63