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SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

Terre de feu : cinquième partie

Episode 60

L’homme avait enfilé sa longue tunique noire, puis avait ajusté parfaitement son turban blanc sur sa tête. Ses bottes en peau lui couvraient le mollet. Sa taille était enserrée d’une large bande de tissu blanc. Avant de se vêtir, il avait procédé à ses ablutions matinales. Il aimait dormir à même le sol, sur un tapis. La nuit avait été chaude, mais cela ne l’avait pas empêché de trouver un sommeil profond. Son serviteur attendait à la sortie de la tente, une khaïma spacieuse dans laquelle on pouvait vivre à plusieurs. Lorsque l’homme quitta celle-ci, le serviteur se leva, lui présenta le long fusil qu’il avait soigneusement préparé dès l’aube. Ils étaient installés là depuis longtemps et les paysans s’étaient habitués à leur présence. Lorsque l’homme grimpa sur son cheval, un pur-sang arabe, il fut salué à chaque fois qu’il croisait un des habitants du village. Les marchands arrivés récemment faisaient de même sans savoir pour quelle raison ils agissaient ainsi.

Les généraux savaient la partie perdue, ils avaient replié les cartes d’état-major. La journée n’avait été qu’une succession de fiascos. Les Français avaient salué le courage des Anglais, les Anglais avaient fait de même. Mais en réalité chaque officier, une fois dans ses quartiers n’avait qu’un regret, avoir sous la main une armée d’incapables, apeurés par les Turcs. Ils vitupéraient ces paysans bons à manier la fourche, mais pas les fusils.

– Mon commandant !

Un des agents de liaison venait de pénétrer dans le quartier général. Après avoir dit ces mots, il se mit au garde-à-vous attendant que le lieutenant s’adresse à lui.

– Repos adjudant, je vous écoute.

– Mon commandant, il y a des mouvements de troupes à la cote 150.

– Les Turcs ont décidé d’enfoncer nos lignes de défense ?

– Non, mon commandant, ce serait plutôt l’inverse.

– Qu’est-ce que vous me chantez-là ! Je n’ai pas beaucoup le sens de l’humour surtout quand on vient de prendre une déculottée pareille !

– Mon lieutenant, le capitaine avait prévu votre réaction et il a dit de venir vérifier par vous-même.

– C’est Lefèvre qui vous envoie ?

Le soldat, qui n’avait pas bougé de la porte confirma d’un signe de tête.

– Il n’a pas l’habitude de raconter n’importe quoi, je vous suis.

L’officier enfila sa veste, car il avait commencé de se dévêtir pour prendre ses aises. Il ajusta sa ceinture, plaça son revolver d’ordonnance dans l’étui, enfila son képi et fit signe à l’homme de le conduire sur l’observatoire, un éperon rocheux duquel on pouvait avoir une bonne vue d’ensemble des différents accrochages.

Lorsque le commandant arriva sur les lieux, il trouva le capitaine occupé à scruter le terrain des opérations à la longue-vue.

– Bonjour, mon commandant ! dit le capitaine tout en se mettant au garde-à-vous.

– Repos, j’espère qu’il ne s’agit pas d’une plaisanterie.

– Regardez par vous-même, commandant.

Il fixa son œil aux jumelles pendant que le capitaine reprit sa longue-vue pour observer de son côté.

– La cote 150 vous dites ?

– Oui, le mouvement de troupe est à gauche du « haricot ».

– Qu’est-ce que c’est que ce foutoir !

– Je ne sais pas, mais les Turcs perdent du terrain.

– Mais on s’en fout, on est en train de négocier le départ des Dardanelles avec les Anglais. Y sont cons ces crétins ! Je me fais des idées, ou bien y a des chevaux dans le tas ?

– C’est impossible, jamais on aurait… bah merde alors !

– Je ne vous le fais pas dire.

– Excusez-moi mon commandant.

– Ne vous excusez pas, j’aurais pas dit mieux. Mais quel est l’officier responsable de cette attaque à contretemps.

– Je croyais que c’était vous, mon commandant.

– Vous auriez été informé et vous seriez sur le terrain !

– J’ai cru que vous n’aviez pas été satisfait de moi et que vous aviez décidé de prendre les choses en main.

– Les hommes ont fait ce qu’ils pouvaient quoi qu’en pense l’Etat-major et loin de moi l’idée de tout vous foutre sur le dos, au contraire. S’il y a un responsable de notre échec, c’est moi.

– Et les Turcs. Faut dire qu’on avait aucune chance, ils sont trop bien enterrés pour les déloger de leur forteresse. Mais ça, on le savait dès le début !

– Gardez ces remarques pour vous, mais je suis de votre avis.

Le commandant qui avait quitté ses jumelles, reprit son observation.

– Ce sont des cavaliers ! Ils arrivent des lignes ottomanes, je ne comprends plus rien. Ce sont des Turcs ou des Français ?

– Peut-être des Anglais, ce serait bien une façon de faire à eux ! Sans prévenir personne pour finir en beauté.

– Ne dites pas de bêtises, ils seraient sur l’autre front !

– Vous avez raison. Quoi qu’il en soit, on fait quoi ?

– On fait rien, on regarde, comme au spectacle et on attend le baisser de rideau.

La semaine dernière un ami chat qui vit dans le quartier m’entretenait au sujet de la souris des champs. Il me disait comme elle est bien plus délicieuse, un petit goût de cerise au printemps, puis une nuance de pomme à l’automne. Je pense qu’il délire le pauvre, parce que les souris ça bouffe que des graines. Mais bon admettons, après tout, moi question souris des champs, j’y connais pas grand-chose. Par contre les souris des villes, là, j’assure. Elles sont grosses comme des chats et quand elles mettent le nez dehors, il fait pas bon laisser traîner ses chats ! J’sais pas pourquoi je vous raconte ça, après tout une grosse souris ce n’est qu’un rat en plus petit… en tous les cas, un rat parisien. La bise unanime à toute la faune parisienne qui côtoie tout ce monde animal et souterrain…

Terre de feu : épisode 61