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SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

 Vent  debout : cinquième partie

Episode 55

Amédée, le Cantonnier, était sur la route qui remontait jusqu’au Village. Il se trouvait à mi-chemin, juste avant la grande ligne droite. Avec sa pelle et sa brouette, il remblayait une partie de la voie qui s’était creusée à force de passage. Il jetait une dernière pelletée de gravillons avant d’ajouter la terre ocre crayeuse qu’il allait chercher à la carrière de ciment. Il suffisait de l’arroser pour qu’elle se tasse puis à la chaleur, elle durcissait. Amédée faisait une pause, il sifflotait tout en sortant sa gourde en peau dans laquelle il mettait un mélange de vin rouge et d’eau, idéal pour se rafraîchir. Il l’avait sortie de sous un tas de feuilles à l’ombre pour maintenir la fraîcheur de la boisson le plus longtemps possible. Lorsqu’il se retourna pour aller s’installer sur le parapet en pierre, il sursauta.

– Que fais-tu là, Isabelle ? Tu m’as fait une de ces peurs. Je ne t’avais pas entendue arriver.

– Tiens, je t’ai apporté une meringue, asseyons-nous un moment.

– Tu veux un peu à boire ?

– Non. Assieds-toi, prends ta meringue, c’est Mère qui les a faites. Moi, je n’aime pas beaucoup alors si ça te dit.

– Oui, évidemment que ça me dit. Tu remercieras ta mère de ma part.

Amédée mangeait sa meringue tout en jetant un œil de temps en temps à la femme qui était assise tout près de lui. Il essayait de deviner ses intentions à son égard. Il n’osait pas imaginer que ce pouvait être pour ses beaux yeux. Il avait le double de son âge, il n’était pas ce qu’on pouvait appelait un bel homme et question richesse, la pauvre bâtisse que lui prêtait la mairie était tout ce qu’il possédait. Même sa brouette, la pelle et la pioche n’étaient pas à lui. Et tout son salaire passait dans la caisse de café Baraga. Ce qu’il mettait de côté, c’était pour satisfaire ses besoins personnels chez les filles, quand il descendait dans le chef-lieu de canton.

– C’est toi qui as vu ma sœur quand elle s’est jetée du pont.

Le Cantonnier comprit que ce n’était pas pour lui faire la cour qu’Isabelle était descendue jusque-là. Il se sentit immédiatement mal à l’aise. Il n’aimait pas qu’on vienne lui parler des histoires du village. De part sa fonction, il était au courant de la plupart des trafics. Les hommes mariés qui fricotaient avec les femmes légères, les affaires d’amour qui faisaient les bâtards, les magouilles entre paysans pour s’arranger entre eux au détriment de la commune. Et quand on venait lui offrir un verre, il se doutait bien que ça n’avait rien à voir avec l’amitié. Il y avait toujours un calcul intéressé. Isabelle, c’était avec une meringue qu’elle était venue, mais cela ne changeait pas grand-chose. La différence, il ne s’était pas méfié et il n’aimait pas être pris au dépourvu.

– Ecoute, cette affaire remonte à loin et…

– Je veux juste savoir si tu l’as vue oui ou non. C’est bien toi qui as alerté non ?

La voix d’Isabelle s’était faite menaçante, Amédée fut déstabilisé. Il ne la connaissait que douce et agréable, toujours gentille avec lui. Au fond, il l’appréciait, car elle était la seule à ne pas le considérer comme un imbécile.

– Oui.

– Oui quoi ?

– Oui je l’ai vue et oui j’ai alerté. Je suis allé à la gare chercher Léon et il a prévenu les gendarmes. Il a le téléphone à manivelle, alors il peut appeler. C’est pour ça que je suis allé à la gare et puis c’est tout près du pont. Y a cent cinquante-cinq mètres, je l’sais parce que…

– T’avais bu ?

– Non j’avais pas bu. C’est tes parents qui ont dit ça, parce qu’ils ne voulaient pas croire que leur fille, pardon, ta sœur, enfin Solange, paix à son âme, avait fait le grand saut. En plus, ce jour-là, la Girance poussait fort à cause de la fonte des neiges d’en haut.

– Tu es allé tout de suite à la gare ?

– Non, j’ai descendu par le sentier des pêcheurs à la truite. Mais elle avait disparu dans le courant. J’ai longé la berge tant que j’ai pu, mais après l’ancien moulin, on peut plus passer. Mais je jure que j’avais pas bu, ou alors ma gourde, guère plus. On peut compter ça, j’y rajoute un tiers d’eau. Un bon tiers, presque la moitié.

Isabelle se leva, elle était sur le point de partir, elle se retourna après quelques pas.

– T’as vu son visage ?

– Non. J’ai su à cause de la robe.

Elle remercia Amédée, puis reprit son chemin. De là où elle était jusqu’au village, il y avait un bon kilomètre. Sur le côté partait un sentier qui gagnait la campagne de son père. Il n’y faisait plus rien pousser, seuls les oliviers donnaient encore des olives, de petites olives noires qu’on emportait au pressoir. Celui des Maurepas, qu’ils avaient racheté à la famille du Marcel ainsi que les terres des Ecarts, celles-là même qu’occupaient Maurepas avant de partir à la recherche de son frère.

Y a comme qui dirait un petit murmure délicat qui me susurre à l’oreille droite que la gauche à du mal se faire entendre ! La bise irréaliste compte tenu des conditions de diffusion de l’Internet et de sa virtualité !

Vent debout : épisode 56