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SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

L’histoire de Paille : cinquième partie

 

Episode 45

– A la nuit tombée, ils sont revenus !

Paille avait repris son récit comme si le temps qui s’était écoulé avait été anéanti par cette simple phrase. Il était accroupi, il replaçait les bûches qu’il avait dérobées dans une ferme de montagne qu’il avait considérée abandonnée. Etait-ce le cas ? Nul n’aurait pu le dire sinon ceux qui y vivaient. Mais Paille était ainsi fait, ce qu’il pensait être, était, et il n’y avait rien à redire. Le chemin qui sinuait au travers des Carpates pour mener à la frontière Bulgare n’avait pas été aussi abrupt que prévu et les gardes-frontières pas si difficiles à duper. Heureusement pour les trois soldats de faction qui auraient terminé là leur courte vie. La descente sur Sofia n’avait guère changé les paysages qui n’avaient que faire des frontières érigées par les hommes. Une route faite de terre tassée, plongeant dans la forêt, traversant quelques villages montagnards isolés bien souvent placés le long d’un cours d’eau. Tout cela et plus encore avait été effacé par les paroles de Paille, paroles lâchées à la nuit tombante, sous un ciel étoilé que la lune avait déserté. Seuls les bruissements des feuillages, agités par un vent léger persistaient à troubler le silence de la large vallée libérée par les montagnes qui trônaient alentour.

– Merde, lâcha Boris, la bouteille lui avait échappé des mains et s’était brisée en mille petits éclats. Maurepas pivota d’un coup.

– D’où tu sors ça, on avait dit qu’on prenait que du bois !

– Et de la gnôle !

– Te voilà bien eu, ajouta Petit Pierre, bien mal acquis ne profite jamais.

– Si tu veux croire à ces idioties, tu peux.

– Je n’y crois pas, mais mon père disait toujours ainsi.

Boris pestait contre sa maladresse tout un observant le précieux liquide dont seule la terre allait se délecter.

– Je les ai entendus entrer dans la grange.

A nouveau, Paille parla comme si tout ce qui venait de se dire n’avait pas existé, comme si la bouteille brisée ne l’avait pas été et qu’elle attendait la venue de Boris pour être sortie du coffre de la charrette.

– Comme il faisait bon, je dormais dans l’appentis en pierre qui se trouvait sur l’arrière de la maison. Le temps que je sorte, ils étaient entrés dans la maison. J’ai d’abord entendu le cri de la femme, un cri de stupeur. Le patron a voulu parlementer, mais il n’en a pas eu le temps. Quand je suis entré, le plus âgé des trois, lui tranchait la gorge. Lorsqu’ils m’ont vu, celui qui avait déjà troussé le jupon de la femme, se redressa et remonta son pantalon. L’autre avait le fusil, il a tiré sur moi, m’a manqué de peu. Je suis ressorti et j’ai fait le tour. Il y eut trois coups de feu, un pour la femme et deux pour les filles. J’ai pensé qu’il avait épargné le petit. En réalité, ils ne l’avaient pas encore trouvé. Je l’ai entendu pleurer, j’ai poussé la fenêtre et je suis allé dans la petite chambre, plus un renfoncement qu’une chambre. Il était là, en larmes. Je m’en suis saisi et j’ai enjambé la fenêtre et j’ai couru. Plus loin, il y avait un bois, là-dedans, je savais que je serais en sécurité. Le premier coup de feu a sifflé à mes oreilles, le deuxième a fauché une poignée de branchages, le troisième m’a touché dans le dos. Ils m’ont cru mort et sont partis sans demander leur reste, emportant tout ce qu’ils purent trouver à revendre. Ils voulaient de l’or, mais la cassette, ils ne risquaient pas de la trouver. Moi, je savais où elle était. Un jour, j’ai vu le patron l’enterrer dans la cour, il la gardait pour les enfants, c’était leur héritage qu’il avait dit à sa femme.

Paille resta silencieux, on aurait dit qu’il pleurait, mais ses yeux étaient secs. Il fixait le feu qui exerçait sur lui une attirance hypnotique. D’un coup, il se leva, monta sur son cheval et quitta le campement. On entendit le galop de sa monture longtemps jusqu’à ce qu’il soit absorbé par l’immensité de la plaine. Maurepas voulut se lever pour aller à sa recherche, mais Pivoine lui attrapa le bras.

– Laisse, il a besoin d’être seul. Je crois que ces gens étaient plus que des employés pour lui et ce qu’il a perdu, jamais ne pourra être remplacé. Il fallait ton passage près de cette ferme abandonnée pour le sauver de sa folie. Maintenant, il a une raison qui le pousse à agir et c’est grâce à toi. Alors respecte sa tristesse, tout en étant fier. Je crois qu’il est temps de boire à son courage.

– Toi aussi tu as fauché une bouteille de gnôle ! Vous mériteriez que je la brise sur ces rochers.

– Ne t’avise pas de le faire, dit Thérèse qui approchait déjà son écuelle.

– Et l’enfant, qu’est-il devenu ?

– Cosaque, tu es toujours aussi impatient, bois donc et cesse de poser des questions !

C’est amusant, je dis « la bise du matin » alors que l’article est pré édité dans la nuit d’avant. Donc je parle d’un moi à venir au nom du moi du passé, celui qui écrit en ce moment des idioties qu’il ferait mieux de ne pas poster afin que les générations du futur ne soient pas influencées par le moi antidaté venant d’un monde illusoire qui n’existe pas encore s’adressant à une foule de lecteurs en devenir… Quand je pense à la postérité, je suis inquiet !

L’histoire de Paille : épisode 46