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SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

 L’histoire de Paille : cinquième partie

 

Episode 44

A cause du contournement impossible de la ville de Nis, ils étaient partis très tôt, bien avant le lever du soleil. Ils avaient forcé l’allure autant que permettait la carriole. Heureusement, la pluie intense de la veille et la chaleur étouffante avaient provoqué un épais brouillard renforcé par la présence de la Nisava qui coulait d’est en ouest. La présence imposante des Carpates qui se dressaient à leur droite avait rendu le voyage plus ardu. Au sortir de la petite vallée creusée par la rivière, la pente s’élevait graduellement jusqu’aux contreforts de la montagne. Petit à petit, la plaine immense avait cédé la place pour un paysage enclavé de moyennes montagnes. Les montées succédaient aux courtes descentes à chaque plissement du terrain. Heureusement la forêt dense en cette partie de la Serbie apportait une ombre qui protégeait du soleil. Voici pourquoi, en arrivant près de Véliko, tard dans l’après-midi, Maurepas était éreinté et n’avait qu’une envie, s’allonger sur sol pour détendre son dos qui le brûlait. Il avait les fessiers douloureux, ce qui ne lui était plus arrivé depuis qu’ils avaient passé la frontière française. Aussi, il ne prit pas part à l’installation du campement, même s’il fit l’effort de proposer son aide. Tous comprenaient qu’il fallait le ménager, même Thérèse se garda de lui envoyer une pique comme elle savait si bien le faire pour le provoquer. Petit Pierre s’était dépêché de disposer un couchage agréable pour son maître avant même de penser à sa propre personne.

– Nous avons de la chance pour le passage de Nis, finit par dire Maurepas histoire de parler de quelque chose.

– Je ne sais pas si la chance y est pour beaucoup, répondit Paille.

Boris se tourna vers lui, le fixa du regard. Les autres interrompirent leurs activités et un silence pesant s’installa.

– Que veux-tu dire par là ?

– Il veut dire que c’est plutôt l’orage de la veille qu’il faut remercier. Hein Paille, dit Pivoine en pivotant sur lui-même pour fixer Paille.

– C’est exactement ce que je voulais dire. Je m’occupe du feu pour cuire la viande.

– De la viande, y en a plus, alors ton feu laisse-le tranquille, grogna Thérèse. Il nous reste du pain rassis, une saucisse sèche et une part de Pule.

– Ce truc au lait d’ânesse, j’aime pas.

On entendit à peine la voix de Solange lorsqu’elle parla, elle était occupée avec les chevaux.

– Moi non plus, ajouta Boris, un bout de pain me suffira.

– Bah, moi j’aime bien.

Maurepas attrapa le fromage qu’on lui tendait, il se coupa une large tranche pain avec quelques difficultés. Il s’entailla légèrement la paume de la main.

– Et la saucisse qui en veut ?

– Sers-toi une bonne part, hein les gars ? demanda Solange.

Maurepas eut un moment d’hésitation. Il sentait bien que quelque chose se passait, mais tiraillé par la faim, il se servit une bonne moitié de la saucisse et mangea avec avidité. La soirée s’annonçait encore chaude pour un bon moment, aussi chacun s’occupait comme il pouvait, incapable de s’imaginer en train de dormir.

– Un jour trois types sont arrivés par l’ancienne voie romaine. On venait de terminer d’engranger les foins, madame avait préparé une bonne soupe à la viande et on allait passer à table.

Tous se tournèrent vers Paille, tout en parlant, il taillait un bout de bois pour en faire une figurine. Un petit bonhomme finement ciselé qui ressemblait à un ange. Il prit le temps de se verser une rasade de vin avant de faire circuler la bouteille.

– On ne pouvait pas se tromper, ces gars-là avaient bourlingué et traîné dans des affaires louches. Mais le patron était persuadé que si on était bon avec autrui alors il ne pouvait en sortir que de la joie. J’ai toujours cru qu’il était pasteur, à sa façon de parler, comme s’il faisait un sermon. Ils ont partagé notre repas. Ils ont dit venir de Lyon, mais c’était pas le chemin, ils mentaient. On a parlé de choses et d’autres, un surtout, pendant ce temps-là les deux autres observaient la maison sous tous les angles. Quand ils sont enfin partis, j’ai dit au patron et à sa femme, qu’il valait mieux se barricader et prendre le fusil. Le patron m’a dit comme ça « Quel fusil ? ». Il croyait que je n’étais pas au courant. La carabine, un Lebel de l’ancien temps, mais qui tirait juste, était planqué dans le grenier. J’ai pas insisté et j’ai eu tort. Je croyais trop en ses paroles. Pour moi, c’était un homme de science, un homme qui savait. Il ne savait rien du tout l’imbécile !

 C’est pas beau la vie, un petit épisode le matin et hop, je saute sur le biclou pour aller bosser. La bise du travailleur…

L’histoire de Paille : épisode 45