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SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

Vent fort : cinquième partie

 

Episode 41

Depuis qu’ils avaient perdu Maurepas et qu’il avait fini par les rattraper, ils avaient quitté la plaine de la Save pour rejoindre celle arrosée par le Danube. Ils stationnaient près de Smederevo et avaient soigneusement évité Belgrade en passant par la rive Droite du fleuve. Ils avaient choisi un petit bosquet pas très éloigné d’une ferme. Dans celle-ci, ils avaient trouvé une famille de paysans accueillants qui leur avaient proposé la grange, et même de partager leur repas. Maurepas était méfiant, Paille n’aimait pas l’idée et Thérèse s’en fichait. Les autres attendaient l’avis de Solange. Elle trouvait la bâtisse fort à son goût, le fumet qui s’échappait de la marmite n’était pas pour lui déplaire, elle accepta. Paille et Petit Pierre se chargèrent d’installer les chevaux, Thérèse qui ne voulait toujours pas qu’on s’occupe de l’attelage à sa place, se mit au travail. Le père de la petite famille qui se composait de deux filles l’une de six ans et l’autre de bientôt treize et d’un gars costaud qui était à l’âge où l’enfant cède la place à l’homme et qui parlait un mauvais italien. Il avait vécu dans le Piémont et gardait quelques souvenirs de la langue. La femme était silencieuse, une belle et jolie femme. Elle apporta un vin qui produisait le paysan, un vin de pays, un peu âpre mais agréable.

– Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter l’Italie ? questionna Petit Pierre.

– Mariama, répondit l’hôte tout en désignant sa femme qui s’affairait près de la marmite. Elle n’aime pas les hommes.

– Sauf toi l’ami, coupa Maurepas.

– Ni moi ni les autres.

– Et les enfants alors, ils viennent d’où ?

– On les a recueillis en fuyant Caluso, une petite ville qui n’aime pas trop qu’on s’écarte des évangiles. Depuis, on fait comme si on était une famille et chacun vit sa vie. Moi, je ne veux pas savoir qui elle fréquente et elle non plus. Pour le reste, le travail nous accapare et les enfants font notre bonheur.

– Pourquoi être parti si loin de votre ville natale ? demanda Boris, intrigué.

– Mon village natal se trouve ici, j’étais parti avec le père pour trouver du travail dans une tannerie. Lui est mort d’épuisement et moi, si je n’avais pas fui, je serais mort aussi. On avait décidé de ne pas se laisser faire. Un type a aidé les manœuvriers à s’organiser, mais le patron savait y faire, il avait à sa solde une bande de brigands qui ont passé à tabac les fauteurs de trouble. Pour moi et mon pote, ils avaient d’autres projets, on a préféré pas attendre de savoir lesquels. C’est à ce moment qu’on s’est croisé avec Mariama, elle, elle foutait le camp pour une autre raison, les femmes avaient dans l’idée de la tondre et encore d’autres saloperies. Comme de la forcer à coucher. Bref, on est les meilleurs amis du monde, mais ça s’arrête là.

– Tiens voilà notre Petit Pierre, on va enfin connaître la suite de son histoire, lança Boris en levant son verre.

Boris donna un bref résumé à leur hôte. Il fit signe à Mariama et aux deux filles de venir s’installer. Le jeune homme préféra prendre un tabouret et se placer du côté du feu. Il s’alluma une pipe et passa la tabatière à Pivoine qui se bourra une pipe. Petit Pierre se tourna vers Maurepas.

– T’occupe pas de lui et raconte, il a donné son accord, dit Boris quelque peu exaspéré par l’attitude de Petit Pierre.

Il fallut quand même un signe de tête de Maurepas pour qu’il se lance.

– Il faisait nuit noire quand on est monté. C’était en quinze avant la Saint-Jean. Je me rappelle parce que Bigeot, le chevrier, devait aller récupérer un arrivage par le train des pignes. On dit les pignes parce que…

– Tu vas pas nous faire toute l’histoire du pays ! coupa Maurepas.

– Oui, viens-en au fait, intervint Solange, et laisse Bigeot avec ses chèvres.

– Dis-nous plutôt ce que vous alliez foutre avec vos pelles, demanda Boris.

– On allait creuser, répondit Petit Pierre.

– On se doute bien que vous n’alliez pas jouer à la pétanque ! hurla Thérèse, restée tout au fond de la pièce près de l’entrée, car elle préférait surveiller les allées et venues. Mais à part la volaille, personne ne se présenta.

– On a déterré Gamine, ton grand-père nous regardait faire.

– C’était après le mariage ? questionna Maurepas.

– De quel mariage y parle, ajouta Pivoine.

– Le grand-père qu’était à moitié timbré a voulu faire un mariage posthume comme on faisait avec les soldats morts au combat.

– Tu oublies un détail, ou alors, peut-être n’es-tu pas au courant, mais le mariage s’est fait en présence du curé et de la morte qu’avait déjà été déterrée, puis remise dans son trou après l’office ! raconta Solange.

– C’est une coutume chez vous de promener les cadavres en brouette dans le village, ironisa Pivoine.

– Tu ne savais pas alors !

– Non, je ne savais pas, Solange. Je ne croyais pas qu’il était cinglé à ce point-là !

– Bon alors pour quelle raison vous l’avez déterrée une deuxième fois ? demanda Boris.

– Parce qu’elle ne voulait plus rester qu’il a dit le grand-père. A partir de là, elle n’est plus retournée dans sa tombe.

– Et qu’est-ce qu’il est devenu ton grand-père ? continua Boris, mais cette fois en s’adressant à Maurepas.

– Il est devenu fou et il est parti on ne sait où du côté de Gardérance.

– Pas exactement, dit Petit Pierre après un moment de silence. Il est dans la tombe de Gamine, mais seul, elle, elle préfère courir les vallons. Moi, je l’ai vue plusieurs fois.

– C’est ma bouteille de Grappa qui tu as vue trop souvent !

– Y a pas que lui qui l’a vue, murmura Solange.

Là-dessus, tous décidèrent de monter se coucher au grenier, sauf Solange qui voulait rester encore un peu.

Demain étant un autre jour, il se pourrait qu’il y ait une suite à cette histoire… mais jusqu’à quand ? Et y aura-t-il seulement une suite ? L’auteur sait-il où il va ? Autant de questions sans réponses qui me poussent à espérer que si l’univers est expansion, alors moi aussi… Une bise relative !

vent fort : épisode 42