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SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

Vent fort : cinquième partie

 

Episode 32

Petit Pierre avait attiré toute l’attention sur lui. Même Pivoine, occupé à tailler un morceau de bois avait cessé son activité. Thérèse, déjà allongée sur sa couverture, s’était relevée et maintenant, appuyée sur les coudes interrogeait Valentin du regard lequel haussa les sourcils pour montrer qu’il n’en savait pas plus qu’elle.

– Comme je l’ai dit tout à l’heure, mon père travaillait pour le vieux Maurepas, à l’ancien village. Il n’y avait que lui qui avait le droit de monter là-haut. Une fois, j’étais pas bien grand, le père m’a fait signe de me lever. La nuit était tombée et la chaleur aussi. On a pris la pioche et la pelle et on est partis tous les deux. Et si tu me crois pas, tu pourras demander à Baraga, il rangeait les chaises de son café.

– Pourquoi je ne te croirais pas ?

– Attends la suite avant de poser cette question, Cosaque. Tu veux toujours mettre la charrue avant les bœufs ! intervint Boris.

– Alors on est montés au village, le vieux village. On n’a pas pris le chemin habituel, on a contourné par la fondrière. On savait qu’il ne fallait plus passer là à cause de la terre qui avait glissé, mais le père, il voulait pas qu’on nous voie.

– C’était pas une réussite puisque tu viens de dire que le gars du bistrot vous a vus, intervint Pivoine.

– Baraga, c’est un fouille-merde, il est toujours là où il faut pas. C’est le seul qui nous a vus, on est passés sur l’arrière, mais fallait qu’il soit là avec ses chaises. On savait pas où il les planquait, il avait toujours peur qu’on lui en vole une ! Tout ça parce que le jour de la fête de la Saint-Jean…

– On en s’en fout de la fête de la Saint-Jean bougonna Maurepas, impatient.

– Quand on est arrivés, ton grand-père nous attendait devant sa maison, celle près de la chapelle. Il avait la lanterne.

– Vous êtes montés sans lumière ? s’inquiéta Maurepas.

 – Le vieux avait dit comme ça, alors on a fait comme y disait. Et puis mon père y savait le chemin par cœur et moi aussi. Quand il fallait récupérer une de vos chèvres qu’avait foutu le camp par là, c’est moi qu’on envoyait.

– Je me souviens, elles allaient toujours dans la fondrière bouffer les mûriers sauvages. Qu’est-ce qu’elle pouvait gueuler après les chèvres la mère ! coupa Maurepas.

– Et ton père y faisait quoi ? demanda Pivoine.

– Lui, répondit Maurepas, tout en se curant les ongles à la pointe du couteau, il s’occupait des oliviers, pour les cultures, et il louait les terres aux autres.

– Pourquoi as-tu quitté le village ? continua Pivoine.

– C’est à cause de Solange…

– Faudra que tu racontes, mais ce n’est pas le moment. Où en étais-tu, Petit Pierre ?

– On était avec le grand-père, notre pelle et notre pioche sur l’épaule. Il est rentré dans sa maison, il est ressorti avec la gnôle, nous en a versé un godet chacun. Mais avant qu’on boive, il nous a fait jurer de pas raconter aux cons du village comme il disait. Même moi, j’ai dû cracher par terre.

– Peut-être qu’il savait que tu ne resterais pas éternellement sourd et muet, dit Solange tout en s’approchant de Maurepas pour se serrer contre lui.

– Tu es toute gelée. Pourtant, il ne fait pas bien froid.

– Réchauffe-moi au lieu de parler. Continue Petit Pierre !

– C’est vrai qu’il était spécial le vieux, excuse-moi, mais on disait tous ainsi.

Maurepas sourit, ce qui encouragea Petit Pierre à poursuivre.

– Je crois bien qu’il avait le don de la vision, mais qu’il ne s’en servait jamais. Pour moi, je suis certain qu’il savait.

Petit Pierre fit une pause, il resta songeur un moment. Personne n’osa intervenir et tous attendirent qu’il reprenne son récit de lui-même. La lune était haute dans le ciel et pleine. Elle enveloppait la clairière d’une lumière douce mais suffisamment forte pour qu’on puisse y deviner aisément le moindre mouvement de buisson. La brise était tombée et seuls les animaux nocturnes entrecoupaient le silence de la forêt par leurs cris. Valentin s’était levé d’un coup, puis avait rejoint les chevaux.

– Les salauds, ils nous ont fauché nos sacoches !

Pivoine s’approcha de lui.

– Il me semblait bien avoir entendu du mouvement du côté des chevaux. J’ai juste pensé qu’ils étaient un peu nerveux, à cause des loups. Viens avec moi !

– J’en suis aussi, ajouta Thérèse, sa carabine à la main.

– J’arrive, dit Maurepas.

– Pas besoin, on est assez comme ça, lui répliqua Thérèse.

– C’est mon argent quand même.

– Et alors, tu crois qu’on va pas te le rendre !

Maurepas voulut répondre, mais Solange lui fit signe de se taire et l’embrassa sur les lèvres pour le persuader. Pendant ce temps, le petit groupe arrivait près des chevaux.

– Les crétins, ils ont détaché les bêtes pour les faire partir. Mais ces bêtes-là n’obéissent à personne d’autre qu’au cavalier qui leur appartient.

– Thérèse, tu veux dire l’inverse, intervint Maurepas.

– Crois ce que tu veux, mais as-tu remarqué qu’aucun ne nous n’a changé de monture. Que Paille a attendu que son cheval soit en état de repartir plutôt que d’en choisir un autre.

 vent fort : épisode 33