Sélectionner une page

 508 Nombre de vues totales,  2 Vues du jour

SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

Vent  debout : cinquième partie

Episode 56

Isabelle avait passé l’après-midi sous les oliviers à repenser à tout ce qu’elle venait d’apprendre. Madeleine qui savait toujours où la trouver, l’avait rejointe avec son panier dans lequel il y avait un pot de confiture, un bout de brioche et une outre d’eau bien fraîche. Elles avaient bavardé toutes les deux, puis Madeleine avait amené sa sœur aînée sur le sujet qui l’intéressait, Solange. Elle aussi voulait comprendre. Elle voulait savoir à quoi s’en tenir avec Maurepas, depuis longtemps elle voulait faire sa vie avec lui, encore plus maintenant qu’Isabelle était mariée avec Lucas. Pour la première fois, elles s’étaient fâchées.

– Maurepas n’est pas un bon parti pour toi, et puis tu es beaucoup plus jeune que lui. Au bal de Gardérance, tu avais du succès et je suis certaine qu’un des beaux jeunes hommes avec lesquels tu as dansé, n’attend qu’une chose, que tu t’intéresses à lui.

Madeleine avait écouté les explications de sa sœur sans dire mot, puis elle s’était levée d’un coup.

– Tu veux tout garder pour toi, voilà pourquoi tu m’éloignes de Maurepas.

Elle s’était sauvée en courant, et en larmes. Isabelle avait appelé, mais rien n’y avait fait, sa sœur était contrariée. Elle s’en voulait et en même temps en voulait à Madeleine qu’elle ait pu l’imaginer jalouse. Mais elle était de plus en plus certaine que Maurepas n’était pas un bon parti. D’abord parce qu’il n’avait pas su aimer Solange et que Madeleine aurait toujours à lutter contre le souvenir de sa sœur aînée pour trouver sa place.

Isabelle gardait en mémoire le jour de la séparation de sa grande sœur et de Maurepas. Elle était trop petite pour comprendre. Elle avait toujours pensé qu’il partait pour revenir et que Solange l’attendrait. Que son aventure de jeune homme n’était qu’une passade et qu’elle ne durerait que le temps d’une escapade. A cette époque, elle ne saisissait pas bien le sens des mots et encore moins les durées, elle vivait cette histoire d’amour par procuration. Pour elle, il s’agissait plus d’un conte de fée que d’une affaire d’adultes. Maintenant, son opinion était en train de changer. La vie de Solange se dévoilait sous un nouveau jour. Une vie malheureuse, une vie de délaissée qui l’avait plongée dans la plus profonde des tristesses. Qu’elle soit partie, ce dont elle doutait de plus en plus, ou qu’elle se soit suicidée, la ramenait à cette conclusion, Maurepas était un salaud.

Lorsqu’elle quitta la campagne de son père, au lieu de rejoindre la route pour rentrer directement au village, elle avait suivi la sente qui serpentait dans le vallon. Vers les six heures, elle était remontée au-dessus de l’ancien village. Elle avait besoin de marcher pour réfléchir, elle s’engagea à travers l’oliveraie pour rattraper le chemin qui menait au mont Viale. Les voies se rejoignaient sur l’autre versant pour se réunir en un seul sentier qui montait fermement en circulant dans les rochers. Au loin, on pouvait apercevoir toute la vallée du Venon avant qu’il se jette dans la Girance. Malheureusement, on ne voyait pas l’autre côté de la vallée, masquée par l’arête rocheuse, côté par lequel arrivait les orages. Le ciel se couvrit soudainement, noircissant rapidement. Les premières gouttes, de grosses gouttes, s’écrasèrent sur le sol sec suivies d’un ploc puis d’un autre accélérant très vite la cadence. Le soleil fut absorbé par l’épaisseur des nuages, jetant une nuit soudaine sur les pentes du Viale.

La pluie tombait maintenant violemment et quand elle ralentissait, c’était pour laisser place à un vent violent qui balayait la pente. Le chemin, pour partie sur la roche, était glissant, Isabelle ripa plusieurs fois et ne dû son salut qu’à la rapidité de ses mouvements pour se rattraper aux aspérités. De ce côté, la dénivellation impressionnante se jetait dans le vide et la coulée de pierrailles ne laissait guère de chance à celui qui s’y trouverait projeté.

Isabelle préféra rentrer par l’ancien village, le chemin était meilleur par intempérie, même s’il nécessitait un long détour. Son choix fut judicieux, l’instant d’après un déluge de grêlons s’abattit du ciel de plus en plus noir. Les vestiges des maisons abandonnées, offraient un refuge provisoire pour se protéger de la grêle. Elle courut vers les murailles en préservant sa tête sous le tissu tendu de son foulard. Une poutre encore en place, supportée par deux pans de mur offrait un abri de fortune suffisant. Mais lorsqu’elle posa le pied sur le sol, ce dernier s’ouvrit pour l’engloutir. Elle tomba d’une bonne hauteur dans les fougères épaisses ce qui amortit sa chute. Il s’y trouvait aussi des ronciers qui lui éraflèrent les membres, mais elle eut la chance de ne rien se casser. Le déluge redoubla, ce qu’elle n’aurait pas cru possible. Les trombes d’eau se déversaient sans discontinuer. Elle releva la tête pour découvrir le piège dans lequel elle s’était fourrée. Quelques aspérités offraient une prise suffisante, elle s’y agrippa, appuyant ses pieds sur un restant de poutrelle tombé en travers. Elle cala son autre pied dans l’angle du mur, mais l’eau rendait la surface glissante et au milieu du mur, elle glissa et tomba brutalement sur la poutrelle. Cette fois-ci, sa cheville la fit atrocement souffrir. Elle déchira le bas de sa robe pour s’en faire un bandage qu’elle serra très fort au-dessus du pied. Elle tenta à nouveau de se hisser au niveau du chemin, mais le résultat fut le même, heureusement, elle eut le réflexe de se repousser du mur pour atterrir dans les fougères. Les ronces à nouveau lui déchiquetèrent la peau, cette fois, plus profondément. Elle s’épuisa en de trop nombreuses tentatives, sans prendre le temps de récupérer, elle y perdit ses forces inutilement. A la dernière chute, elle ne se releva pas.

 Mais il est déjà 14h35 ! J’ai pas vu le temps passer, ni le Bédouin… incohérence du mouvement en contradiction formelle avec le temps, c’est à cause de la relativité. Je pédale plus fort en arrière pour aller moins vite en avant, ainsi je recule ! Est-ce qu’il est 10h30 ? Vous me direz… en attendant un bisou en accélération résiduelle !

Vent debout : épisode 57