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SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

Vent fort : cinquième partie

 

Episode 34

Ils avaient traversé la vallée de la Carniole Blanche en longeant le massif du Kočevski Rog. La plus longue partie consistait en un chemin forestier perdu dans l’immensité des pins gigantesques. Les paysans du petit village de Žlebič montés sur de petits poneys importés de Bosnie, avaient bien tenté de poursuivre le groupe de voyageurs, les uns armés de fourches, un ou deux munis de fusils de l’ancien temps. Un ou deux coups de feu avaient été échangés, mais quand ils se sont sentis bien trop éloignés de leur village, ils avaient abandonné très vite la chasse à l’homme.

Durant la nuit, le groupe des cavaliers avait passé Ribnica pour rapidement quitter la route principale et s’engager sur le chemin de traverse. Le passage du col du Kočevski s’était fait à l’aube naissante. Le soleil avait tout d’abord difficilement percé entre les troncs d’arbres pour enfin déverser une clarté diaphane dans le feuillage des arbres. Maurepas aurait souhaité s’arrêter un moment, afin de profiter de cette féerie matinale, il avait ralenti le pas, mais les autres, chacun leur tour l’avait dépassé, il avait même dû se garer sur le côté pour laisser filer la carriole. Pas un de ses compagnons ne lui avait adressé la parole, sachant que Maurepas n’attendait qu’une invite pour proposer l’arrêt. Dépité, sans un mot, il avait repris la route. Déjà, le groupe avait disparu dans le sentier qui se perdait en une succession de virages serrés.

La moiteur qui montait du sol humide, se mélangeait à la chaleur bienfaisante de l’astre solaire. Encore quelques heures, et cette tiédeur agréable se transformerait en un emballement chaud et soudain. Maurepas pressa l’allure, puis saisi d’une angoisse infondée, il força encore l’allure. La forêt était de plus en plus sombre, elle semblait se refermer sur lui. La densité du feuillage empêchait la lumière de pénétrer, une brume ondulante de chaleur enveloppait le paysage. La route n’était plus qu’un chemin, pour continuer en un sentier à peine praticable. Les branchages beaucoup trop bas auraient éraflé la figure de Maurepas s’il ne les avait pas chassés du revers de la manche.

Il ne restait de la route qu’un léger creusement sur un sol recouvert de feuilles mortes. La descente devenait impraticable à cheval, Maurepas n’eut pas d’autre choix que de continuer à pied, tenant son cheval par le harnais. Il pensa à son frère et au temps qu’il allait perdre, égaré sur une terre inconnue. Il hésitait à faire demi-tour, mais il n’en fit rien, tout simplement parce que la sente avait totalement disparu.

Plusieurs fois il tomba, plusieurs fois il se releva péniblement. A la dernière fois, le cheval ne suivait plus. Il l’appela tout d’abord d’une voix posée, puis il se mit à hurler, se frappa la tête puis la poitrine et de dépit se jeta sur le sol en pleurs.

– Tu en fais un raffut !

Un vieillard, attifé d’un drôle de chapeau tout mou, vêtu d’un long manteau en laine, les pieds entourés de bandages épais, portait pourtant des guêtres qui lui enrobaient le mollet. Il s’exprimait en Italien, car Maurepas avait juré en patois du duché de Provence.

– Qui es-tu ?

– Mon nom importe peu.

L’homme s’approcha de Maurepas, se pencha sur lui, le regarda dans les yeux, insistant au point de rendre Maurepas mal à l’aise.

– Tu es un de ceux qui courent la forêt, ils ne t’attendront pas.

– Il faut que je retrouve mon cheval ! dit Maurepas tout en relevant.

– Ton cheval est plus malin que toi, lui ne s’est pas perdu. Accompagne-moi, il est temps que je prenne mon repas.

– Je n’ai pas que ça à faire, je dois retrouver mon frère parti à la guerre.

– Ton frère est aussi bête que toi, vous allez bien ensemble.

– Accompagne-moi jusqu’à la prochaine ville et tu seras récompensé pour ta peine.

Le vieil homme ne prit pas la peine de répondre, il se détourna de Maurepas et s’enfonça sous le couvert.

– Viens-tu ou bien préfères-tu mourir de faim dans cette combe qui ne te mènera nulle part.

– Ai-je le choix ?

– Je crois bien que non.

Tout en parlant, l’homme avançait en s’aidant d’un bâton ramassé sur le sol. Il semblait tenir à peine sur ses jambes, mais il grimpait avec aisance et Maurepas avait du mal à tenir le rythme. Il ne voyait pas où le vieil homme se dirigeait. Plus ils s’enfonçaient dans la forêt épaisse, plus la lumière s’affaiblissait et plus il faisait frais ou point que Maurepas dut resserrer les pans de son manteau. Ils arrivèrent enfin devant une trouée à peine perceptible dans le fatras de buissons et des racines. Maurepas s’apprêta à forcer le passage en s’engouffrant dans les branchages, les bras en avant pour repousser ce qui pouvait l’être. Ses mains ne battirent que du vent, il se retrouva à plat ventre sur le sol d’une grotte. Une fois la lanterne allumée par le vieillard, il comprit que cette grotte avait été aménagée pour y vivre.

 vent fort : épisode 35