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SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

Vent fort : cinquième partie

 

Episode 31

Tous avaient l’habitude de chevaucher longuement, les distances et les paysages qui se succédaient n’étaient plus qu’une lente progression rythmée par le pas des chevaux. Certains somnolaient pendant que d’autres échangeaient quelques paroles. Ainsi, ils avaient traversé la vallée de la Branica pour gagner les plateaux du Nanos.

Arrivés à Žlebič, petit village précédant l’entrée dans Ribnica, d’un commun accord, ils préférèrent installer le campement à l’écart. Ils avaient envoyé Thérèse et Paille pour le ravitaillement, ils durent négocier longuement pour échanger les Louis que trimballaient Maurepas contre de l’argent slovène. Ils revinrent avec une poule, des patates et quelques autres légumes ainsi qu’un énorme pain noir.

– Vous n’avez pas été suivis, questionna Maurepas qui savait que l’or attirait les ennuis.

– On a fait attention, dit Paille en descendant de son cheval. Je suis resté caché un moment avant de repartir et personne n’a suivi Thérèse.

Boris avait préparé une soupe dans laquelle avait cuit la poule. Le fumet agréable avait fait frissonner les narines de Maurepas jusqu’au coucher du soleil. Les uns après les autres, chacun arrivaient avec une écuelle en bois, pour se faire servir et emportait une bonne tranche de pain frais. Tous, assis en cercle autour du feu, mangeaient silencieusement, excepté Paille qui préférait s’installer plus loin afin de surveiller les allées et venues éventuelles.

– Alors l’ami, puisque Paille est occupé, à toi de nous narrer ton histoire, lança Boris avant de finir son potage.

Petit Pierre se tourna vers Maurepas comme s’il attendait qu’on l’autorise.

– Il ne sait pas dire son histoire, au village on le considérait comme un benêt incapable de rien sauf d’aider l’Amédée, notre cantonnier et quelquefois de donner le coup de main pour les moissons.

– Excuse-moi, mais ce n’est pas la première impression qu’on ressent quand on parle avec lui. Tes amis villageois étaient de fieffés imbéciles ! continua Boris. Il se tourna vers Petit Pierre. Qu’en dis-tu ?

– Oh non, je suis pas bien malin et puis je ne comprenais rien.

– Il est sourd et muet ! intervint Maurepas, avant de se reprendre « Il était, je veux dire. »

– Comment est-ce possible, tu dois faire erreur !

– Non, c’était bien le cas coupa Solange. Quelquefois, mon père essayait de lui enseigner quelques rudiments et il désespérait d’arriver à quoi que ce soit.

– Comment ça se fait que tu parles maintenant, questionna Boris.

– C’est à cause du coup de carabine, parvint-il à dire d’une toute petite voix.

Paille était debout près du feu, il avait quitté son poste, convaincu que personne ne viendrait plus s’aventurer. Il écoutait lui aussi l’histoire de son ami.

– Raconte, dit-il tout en poussant les morceaux de bois calciné du bout du pied.

– Il est rentré, il a fait feu et le miroir a cassé. Après, j’ai parlé.

– C’est vrai, j’étais là aussi. Un type venu pour me régler mon compte, nous a tiré dessus avant de déguerpir, une histoire de pré et de rancune.

– Il en voulait à Petit Pierre alors ? questionna Pivoine qui n’en perdait pas une miette.

– Non, le pauvre était là par hasard. Mais le Maurice n’aimait personne !

– Moi, il m’aimait bien. Souvent, il me laissait du gibier devant la porte. Une fois, que notre toit prenait l’eau, il est même venu pour refaire le paillage.

– Tu ne vivais donc pas seul ? Avec qui partageais-tu ta couche mon cochon ! ricana Thérèse.

– Avec mon âne, celui que m’a laissé père.

– Je savais pas que tu étais ami avec Maurice, continua Maurepas. J’ai toujours cru que tu avais peur de lui.

– J’avais peur de lui, mais il était bon. Je pouvais même braconner sur ses terres. Celui que j’avais pas peur, c’était le vieux de l’ancien village, ton grand-père. Avant qu’il s’amourache de Gamine, mes parents travaillaient pour lui. En échange on avait droit de pâturage sur les communaux et un lopin de terre pour nous.

– Qu’est-ce qu’ils sont devenus tes parents ? demanda Boris.

– Le père est mort en tombant, il a cassé sa hanche et la mère faisait ce qu’elle pouvait pour me nourrir. Elle s’est usé la vie à la lessive pour les Maurepas.

– Et comment ça se fait que tu t’entends bien avec celui-là, continua Boris tout en désignant Maurepas de la pointe de son couteau.

– Lui, c’est mon maître, alors je dois le respect.

– T’es libre maintenant de faire ce que bon te semble, dit Paille, sur un ton qui marquait son mécontentement.

– Je suis attaché au maître et j’irai nulle part où il ne sera pas.

– T’es un brave gars, intervint Pivoine.

– Et voilà toute son histoire, coupa Maurepas. Je crois qu’il est temps d’aller dormir, demain nous…

– …partons de bonne heure, tu vas nous le répéter chaque soir ? grogna Valentin.

– C’est pas toute mon histoire, intervint Petit Pierre après un long silence.

 vent fort : épisode 32