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Vent fort : cinquième partie

 

Episode 28

Lorsque Maurepas recouvra ses esprits, il était brinquebalé en tous sens et le soleil se devinait à travers la toile épaisse de la carriole. Il était bas sur l’horizon et la chaleur retombait déjà un peu. Il voulut se relever, mais un élancement terrible se fit ressentir au niveau de la cuisse.

– Il est réveillé le ronfleur !

Maurepas reconnut la voix de Thérèse, il tenta une nouvelle fois de se redresser, cette fois en s’appuyant sur son avant-bras, ce qui eut pour résultat de provoquer un élancement similaire, mais dans le bras.

Le trot d’un cheval se fit entendre, il arriva par l’arrière de la carriole. Solange passa la tête par l’ouverture et grimpa en s’éjectant du cheval.

– Comment vont tes blessures ? Sais-tu que Thérèse s’est occupée de toi. Elle t’a soigné avec une préparation dont elle a le secret.

– Et les autres ?

– Ils vont bien.

– Mais Boris…

– Boris se porte comme un charme. Je viens de te dire que Thérèse faisait des miracles !

Maurepas resta silencieux un moment dévisageant Solange pour essayer de démêler le vrai du faux.

– Comment va mon Cosaque préféré ?

Cette fois, ce fut le visage de Boris qui apparut par l’arrière de la carriole, mais il se garda bien de grimper.

–  Es-tu rassuré ? Il te croyait mort, cria Solange en direction de Boris.

– L’heure n’est pas encore venue, ironisa ce dernier, tu devras encore me supporter !

La carriole fut secouée en tous sens à cause du mauvais état de la route. Solange bascula en avant pour atterrir dans les bras de Maurepas qui fit une affreuse grimace pour l’accueillir.

– Désolée.

– Où étais-tu hier soir ?

– On y est, intervint Thérèse, faut descendre installer le campement. Puis elle cria une suite de jurons dont elle seule connaissait la signification, et le cheval stoppa net et attendit.

– Bouge pas, je reviens dit Solange en s’apprêtant à quitter la roulotte.

– Tu n’as pas répondu à ma question.

– Y a pas de réponse.

Tous s’affairèrent à dresser un abri à l’aide de la toile huilée. Petit Pierre n’avait pas attendu les ordres pour construire un foyer avec les briques entassées dans la carriole. Il salua Maurepas d’un geste de la main, mais ne s’adressa pas à lui. Le savoir vivant, lui suffisait.

Lorsque Maurepas put enfin quitter sa paillasse, il trouva Pivoine et Boris en grande conversation autour des fusils qu’ils avaient volés à l’armée hongroise.

– Voici le faraud du jour ! Etait-elle belle et douce notre logeuse ? plaisanta Boris.

Boris partit d’un grand éclat de rire. Seule Solange ne dit rien. Thérèse réprimanda Valentin prétextant qu’il n’était qu’un bon à rien et l’envoya chercher du petit-bois. Maurepas se renfrogna. Ce fut Petit Pierre qui vint le voir.

– C’est comme ça, on n’a pas pu faire autrement. Sinon, les paysans ne nous auraient pas permis de continuer. Et on y serait encore dans ce maudit village.

– Qu’est-ce qu’il raconte, dit Maurepas en s’adressant aux deux autres.

– Il a raconté ce qu’il fallait raconter, y a rien à ajouter.

Boris attira Petit Pierre vers lui et en compagnie de Pivoine, ils s’éloignèrent. Solange s’approcha de Maurepas et l’embrassa sur la bouche. « C’est ainsi, que veux-tu qu’on y fasse ! » Puis elle s’éloigna elle aussi pour aider au rangement.

 

vent fort : épisode 29