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Vent fort : cinquième partie

 

Episode 27

Maurepas et son interprète furent emmenés par un chemin de traverse jusqu’à une petite clairière. Au milieu de celle-ci, deux bûcherons finissaient d’installer le poteau d’exécution sous une chaleur suffocante. Pas la moindre brise, les arbres, figés, n’apportaient pas la fraîcheur espérée. Seuls quelques oiseaux manifestaient leur présence. L’homme aux côtés de Maurepas tremblait de peur, car il n’arrivait pas savoir si lui aussi allait être exécuté. Il tomba à genoux, implorant la pitié du hussard, sabre à la ceinture, droit sur son cheval. Jacob pleurait, expliquant qu’il avait une famille à nourrir, qu’il n’avait rien à voir avec ce traître. Tout en se justifiant, il désignait Maurepas du doigt.

Six soldats avaient pris position, ils vérifiaient leurs armes. Dans un mouvement collectif presque parfait, ils reculèrent la culasse, engagèrent le chargeur de cinq cartouches, replacèrent la culasse et se mirent au garde-à-vous, attendant les ordres. L’officier descendit de sa monture, s’avança vers le pauvre Jacob en position de prière, la tête baissée contre le sol. Il lui tira un méchant coup de pied qui le fit basculer sur le côté. L’officier sortit son sabre du fourreau, frappa le dos de Maurepas avec le plat de la lame et lui fit signe d’avancer. Près du poteau d’exécution se tenait un soldat avec de la corde et un bandeau. Maurepas se laissa attacher et accepta le bandeau. L’officier hurla un ordre, puis on entendit les culasses reculer pour engager la première cartouche. Maurepas ne put voir l’officier lever son sabre et lorsque celui-ci s’abaissa, les coups partirent avec un peu de retard. Il sentit un violent impact dans la cuisse et un deuxième lui éjecta le bras en arrière, puis ce fut la confusion. Des hurlements, des chocs, d’autres coups de fusil. Maurepas ferma les yeux, attendant son dernier souffle. Sa tête tomba en avant, son corps ne fut plus contenu que par les liens qui le maintenaient attaché solidement au poteau.

– Il dort ! Le jean-foutre, il dort comme un loir !

– Détache-le au lieu de jurer, cria Solange à Pivoine.

– Il faut faire vite, les autres ne vont pas tarder à rappliquer.

Il n’eut pas fini sa phrase que les hommes restés au campement arrivaient fusil en avant.

– A couvert, hurla Boris tout en faisant exécuter un demi-tour à son cheval pour gagner les fourrés.

Petit Pierre avait rejoint Pivoine qui filait une claque à Maurepas pour le réveiller. Lorsqu’il reprit conscience, ce fut pour découvrir un carnage. Les hommes du peloton d’exécution ainsi que l’officier gisaient au sol, certains décapités, d’autres la poitrine transpercé d’un coup du fusil ou bien passé au fil de la lame. Maurepas marcha du mieux qu’il put pour soulager ses compagnons. Valentin déboula avec la carriole fauchant une poignée de soldats avant qu’ils n’aient le temps d’ajuster leur tir. Pendant ce temps, Boris, qui avait contourné le bosquet, revenait sur l’arrière. Il frappa à coups de sabre les hommes qui avaient eu le malheur de se trouver sur son trajet. Sabre pris à l’officier qu’il venait d’égorger.

Le restant de soldats hongrois encore vaillants se regroupa au centre de la clairière faisant feu sur leurs assaillants. Les balles sifflaient de toute part, l’une d’elle transperça Pivoine de part en part, elle n’eut aucun effet sur lui. Il lâcha Maurepas, se saisit d’un fusil M95, vérifia le magasin, le replaça et ajusta son tir tranquillement alors que les déflagrations continuaient à résonner. Il fit mouche trois fois, avec les trois dernières balles du chargeur. Il jeta le fusil, traversa l’espace qui le séparait des soldats étalés dans l’herbe folle. Il ramassa un autre fusil, vérifia à nouveau le chargeur, et fit feu à quatre reprises. Une nouvelle fois, une balle le traversa de part en part sans sembler l’incommoder le moins du monde. Il essayait d’estimer s’il était plus rapide de remplir le chargeur ou bien de courir jusqu’à un autre M95 jonché sur le sol à une quinzaine de mètres. Le temps qu’il réfléchisse, Thérèse avait sauté de la carriole et armée d’un long couteau, elle égorgeait les quelques soldats encore debout. Valentin se relevait péniblement, car il avait été projeté en arrière à cause de l’impact. Il sauta du haut du siège conducteur pour s’agripper à un homme, il lui arracha l’oreille d’un coup de mâchoire puis lui brisa les vertèbres en tirant brutalement sa tête en arrière.

 vent fort : épisode 28