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SOMMAIRE

Première partie : Une mariée, un mariage et un départ.

Deuxième partie : La malédiction des Maurepas.

Troisième partie : Le vent du large

Quatrième partie : Vent de terre

Cinquième partie : Vent de Guerre (Jusqu’à l’épisode 22 inclus)

Vent fort : cinquième partie

 

Episode 36

Pivoine et Boris étaient devant en compagnie de Solange, ils avançaient le regard fixé au lointain. Est-ce que la route avait une quelconque importance ? Qui pouvait le dire. Suivaient derrière, Petit Pierre et Paille, côte à côte, droits sur leurs montures, la main haut sur les rênes. Est-ce qu’ils conduisaient leurs chevaux ou bien était-ce le contraire ? Les quelques hommes du pays qui les virent passer se posèrent la question, sans réponse. Enfin, venait la carriole. Thérèse donnait du fouet en l’air, mais quelle importance, le cheval filait à bonne allure, battant le pavé avec mesure. Est-ce que Valentin dormait à l’arrière ? En tous les cas, il n’en donnait pas l’air, les yeux grands ouverts, il fixait la toile au-dessus de lui qui gonflait et se dégonflait à chaque mouvement de la carriole.

Ils quittèrent la route forestière en arrivant à proximité du petit village croate de Piščetke. Leur allure avait été régulière. Ils retrouvèrent une route plus carrossable jusqu’à la Dobra, qu’ils longèrent durant quelques kilomètres avant de passer une autre rivière plus importante. Ils avaient délaissé les passages montagneux pour la plaine. Une plaine qui semblait se prolonger dans le ciel, comme si elle devenait le ciel lui-même. Tout le long de cette route, ils gardèrent leur allure, les chevaux paraissaient eux-mêmes indifférents aux paysages qui se succédaient et insensibles à la fatigue. Dans chaque village qu’ils traversaient, ils provoquaient le même étonnement mêlé de crainte qui poussait les habitants à s’écarter et à se signer. Peu tentaient de s’imposer, très vite, ils s’écartaient de peur d’être piétinés par les chevaux ou bien renversés par le chariot.

Ils quittèrent le comté de Karlovac pour entrer dans celui Sisak. Ils retrouvèrent la rivière Kupa au bord de laquelle ils s’arrêtèrent, laissant le village de Lasinja à l’écart. Ils avaient fait une longue étape. Figés comme des soldats de plomb, ils restèrent sur leur monture sauf Thérèse et Valentin. Tous semblaient craindre une nouvelle attaque ou un raid des paysans. La pluie ne les dérangea pas et les chevaux étaient indifférents. Elle ne dura pas, laissant place à une moiteur désagréable. La lune glissa sous la terre, plongeant le lieu dans une obscurité totale.

Le soleil n’était pas loin sous l’horizon, une clarté douce naissait petit à petit, la rivière avait pris une teinte rose à cause du reflet de la lumière. Les bosquets illuminés de la même clarté se coloraient en fonction de la risée qui balayait la rivière. Solange jeta un regard derrière elle. Pivoine fit un petit mouvement de la tête qui confirma que le groupe était prêt à repartir. Les chevaux reprirent leur allure de la veille, une bonne allure qui faisait défiler les kilomètres. Les forêts faisaient place aux plaines traversées par la rivière Kupa en une ronde infinie. La place de chacun restait inchangée. Ils avançaient, sensibles ni la chaleur, ni à la moiteur qui se déversait sur les immenses étendues herbeuses et lorsque la fournaise inonda la campagne aucun ne changea quoi que ce soit à sa position. Toujours le buste droit, le regard fixé sur l’horizon comme s’il en allait de la place de celui-ci.

Aucun n’aborda le sujet de l’absence de Maurepas, est-ce que cela avait de l’importance ? Pas le moins du monde, ils avaient un but, retrouver Lucas, car l’ordre leur en avait été donné, rien d’autre ne comptait. Pour cela, Thérèse vérifiait que la route ne déviait pas de l’image qu’elle en avait dans son esprit. De tant à autre, elle s’écriait « à dré » ou bien « au dré devant », jamais elle ne nommait la gauche autrement que « pas par là ! ». Valentin confirmait d’un mouvement de la tête, alors Solange – car elle était le plus souvent en tête – changeait de route. Parfois, il arrivait que Pivoine se place bien en avant et lorsqu’il doutait du chemin à suivre, il se garait sur le côté, portait la main à l’étui de sa carabine et patientait jusqu’à l’arrivée du petit groupe. Ce pouvait être aussi Boris, mais dans ce cas, il descendait du cheval, lui passait la main sur le poitrail et le tapotait délicatement. Dès qu’il les voyait approcher, il grimpait sur l’animal et attendait l’indication. Paille et Petit Pierre, invariablement, se déplaçaient ensemble. Jamais ils ne disaient un mot, il donnait cette impression de se comprendre sans aucune parole. Un signe et l’autre comprenait qu’il y avait une ornière, ou bien de la mauvaise caillasse qui encombrait la route à cause des pluies diluviennes à la fin de l’été qui ravageaient les sols.

Ils traversèrent une bonne partie de la Croatie. Ils savaient qu’ils feraient une nouvelle étape près de Novska après avoir abandonné les plaines de la Kupa pour celles de la Save. Ils parcoururent le pays avec la même indifférence, la même allure martiale et provoqueraient les mêmes réactions de paysans. Cependant, ils semblaient ne rien voir de tout cela, ils paraissaient absents, leurs yeux avaient perdu leur éclat habituel, même leur visage s’était figé en une mimique indéchiffrable. Quelques brigands eurent l’audace de s’attaquer à eux, ils gisaient dans une mare faite de leur propre sang, la tête tranchée d’un coup net à la base de la nuque.

Si seulement il y avait une suite alors y aurait peut être un demain…

La bise uninominale à un tour pour toute la galaxie d’Andromède en attendant de pouvoir le faire sur terre !

vent fort : épisode 37